l'humanisme du cardinal georges ier d'amboise
Le programme des stalles de Gaillon présente un grand nombre de nouveautés. Les artisans se sont inspirés de gravures ou de miniatures d'œuvres, de l'époque ou antiques, marquant le goût pour la diffusion de la culture. Les sources sont le décor du livre d’Heures de Jeanne de France ; une miniature du manuscrit dit des Échevins de Rouen Éthiques, Politique et Économiques d'Aristote ; les gravures du Calendrier des bergers représentant les enfers des pécheurs ainsi que certaines planètes et leurs influences ; les gravures des allégories des arts libéraux de la Margarita philosophica de Gregori Reisch ; les gravures de scènes mythologiques des Métamorphoses d'Ovide ; et enfin les miniatures des sibylles du livre d' Heures de Louis de Laval.
Le programme des stalles, destinées à la chapelle de Gaillon, révèle une grande liberté d’esprit et l'introduction d’un collège de sibylle innove. (p. 367 - 423)

La Grèce fait état des oracles des sibylles alors que Rome se base sur les Livres sibyllins. Quant aux chrétiens, ils ont transmis un troisième corpus, les Oracles sibyllins qui rassemblent diverses traditions. Le Moyen Âge ne faisait intervenir qu’une seule sibylle et sa prophétie était simple. Elle annonçait la venue du Christ et le Jugement dernier.

 Au XVe et au début XVIe siècle un changement se fait jour, toutes les sibylles que l’on rencontre en France, dont celles de Gaillon, sont de la même famille que les sibylles qui sont peintes sur le manuscrit des Heures de Louis de Laval (BNF Latin 920). 
L’iconographie contemporaine voulait que les sibylles soient mises en concordance avec des sages ou bien des prophètes alors que c’est avec des vertus qu’elles le sont à Gaillon.
Six architectures encadrent six vertus et six sibylles qui ainsi dialoguent.
Étant donné le nombre de fois où les panneaux ont été déplacés, il est heureux que Georges Ier d'Amboise, auteur du programme iconographique, ait fait, pour exprimer le dialogue des sibylles et des vertus, ce choix de composer des architectures semblables deux à deux. Ce message aurait été perdu, s’il n’avait été traduit que dans le positionnement des panneaux à l’origine.
De manière innovante, indépendamment de toute tradition, sept sibylles ont été, à Gaillon, mises en concordance avec les sept vertus. 
Sur les stalles il y a concordance entre Persique et la Prudence, Érythrée et la Force, Tiburtine et la Justice, Agrippa et la Tempérance, Delphique et la Foi, Hellespontique et la Charité. Espérance et Phrygique étaient prévues.
Les vertus renforcent le message des sibylles. Celui-ci annonce que la pratique des vertus, alimentée par la foi en Jésus-Christ, conduit à la Vie éternelle. 
 C’est la tradition antique, en pratiquant un retour aux sources, que les oracles mettent en exergue. En effet, on ne peut retrouver toutes les sources des oracles retranscrits par Barbieri, ni par les créateurs des sibylles de la cathédrale de Sienne. En revanche, les oracles du manuscrit de Laval sont tirés de la Bible et des Institutions divines de Lactance. Les prophéties retranscrites par Lactance se trouvent toutes dans les Oracles sibyllins.

 Par ailleurs les sibylles en concordance avec les vertus sont une manière d'imager la rhétorique de Lactance en la prolongeant.
L'incitation au retour à la culture antique et l’approfondissement de la pensée des anciens, notamment la rhétorique de Lactance, sont associés dans l'exégèse qui sous-tend le programme iconographique des stalles. 

Ce chef-d’œuvre conforte ainsi la reconnaissance de l'humanisme du cardinal Georges Ier d'Amboise, révélé par son goût pour l’art italien, ainsi que la culture antique et sa transmission.